Après une première participation en 2021 où je m'étais efforcé de finir malgré de douloureuses ampoules aux pieds, j'aspirais à prendre ma revanche, avec un résultat en 2022 au-delà de mes espérances, passant sous les 30 heures, soit 7 heures de mieux que l'année passée (!). Pour faire une comparaison, je dirais qu'il y a le moins de 3h sur marathon et le moins de 30h sur UTMB : avec un tel chrono, on n'est clairement pas une star, mais on a déjà un niveau honorable. Il m'est certainement possible de faire mieux, mais contrairement à l'année dernière, cela me suffit désormais.
Au-delà du résultat, et contrairement à 2021, j'ai eu la double satisfaction (i) d'avoir été à l'aise et de prendre du plaisir pendant les 120 / 130 premiers km, et (ii) de réussir à courir les parties roulantes, même après 100 km. Cet UTMB m'a permis de me réconcilier avec cette distance - ça valait le coup de réessayer !
La vidéo de l'arrivée : heureux !
Quelques chiffres :
- Temps de Kilian Jornet (1er) : 19:49:30 dont 16:13 d'arrêts, soit 8,63 km/h de moyenne
- Mon temps : 29:18:10 dont 54:12 d'arrêts, soit 5,86 km/h de moyenne
- Mon classement général / homme / catégorie : 137ème / 122ème / 33ème
Petit retour sur la préparation
Le principal changement a été de réaliser une vraie décharge en termes de volume d'entrainement, avec au moins 3 semaines entre le dernier bloc d'entrainement et le départ. Cela me semblait indispensable car l'année dernière, je m'étais retrouvé très entamé musculairement assez tôt dans la course. Concrètement, sur les 5 semaines avant l'UTMB, mon volume d'entrainement global est passé de 99 heures en 2021 à 80 heures en 2022, soit une réduction de 20%.
Par comparaison avec 2021, j'ai également fait beaucoup plus de vélo, pas forcément pour progresser, mais surtout car j'y prends beaucoup de plaisir.
En outre, et avec la fin du Covid, j'ai pu réaliser un programme de courses plus complet et mieux adapté, participant notamment à la MaXi-Race.
Néanmoins, tout n'a pas été parfait, et j'ai dû faire face à quelques soucis :
- Le Covid, attrapé fin décembre, et qui m'a bien épuisé jusqu'à mi-janvier ;
- Un épisode de fatigue en avril, où je suis resté tout un week-end à dormir ;
- Une grosse raideur aux ischios de la jambe gauche apparue en juin, après la MaXi-Race et qui a disparu dans les derniers jours avant l'UTMB.
C'était quoi l'objectif ?
En accord avec mon entraîneur, l'objectif était de réaliser entre 30 et 32h, soit 5 à 7h de moins que l'année dernière. En toute honnêteté, faire moins de 30h me semblait possible, mais un poil ambitieux, et je ne voulais pas que cela me stresse en course.
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Débriefing à l'arrivée avec le coach |
Pour éviter l'erreur de 2021 avec un départ trop rapide, je m'étais imprimé tous mes temps de passage pour m'assurer de les respecter en course, étant précisé que ces temps étaient calés sur la fourchette d'objectif entre 30 et 32h.
Le déroulé de la course
Mal placé au départ
Juste avant le départ, je dépose mon sac d’allègement pour Courmayeur et constate tous les sacs déjà présents dans le gymnase. Je comprends alors que je risque d'être très mal placé au départ, ce qui fut exactement le cas ... Les 300/400 premiers mètres furent particulièrement "chiant", avec une succession de ralentissements, puis une file compacte de coureurs jusqu'aux Contamines, sans toutefois avoir l'impression de perdre beaucoup de temps. Sachant que j'étais 712ème au col de Voza, je devais vraisemblablement être aux alentours de la 1.000ème place au départ.
A mon sens, les organisateurs devraient mettre en place un 2ème sas, en plus de celui des élites, pour les coureurs ambitieux (par exemple indice UTMB > 600). Cela fluidifierait grandement le peloton, et ce serait aux bénéfices de tous. J'ai du mal à comprendre l'intérêt pour un coureur lent de ce mettre juste derrière les élites et de se faire doubler de façon continue sur les premiers kilomètres.
A noter que les conditions météo ont été quasiment parfaites tout au long de la course. Pendant toute la semaine, la pluie était annoncée pour la nuit, mais finalement pas une goutte, et surtout ni trop chaud en journée et ni trop froid durant la nuit.
De Chamonix (départ) aux Contamines (31 km) : la tête qui n'y est pas
Sur les premières heures, les sensations physiques ne sont pas mauvaises, je suis dans les temps sans forcer, mais bizarrement la tête n'y est pas. Je n'ai pas envie de courir et je me pose même la question d'abandonner. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi mon cerveau raisonnait de la sorte. Puis finalement, après les Contamines, tout est redevenu dans l'ordre mentalement.
Mon autre inquiétude sur ce début de course, c'est l'alimentation. Mon assistance ne pouvait pas se rendre aux Contamines, car tous les tickets de navette avaient été vendus (carton rouge à l'organisation sur ce point) et j'avais fait le choix de déposer la veille sur le parcours, caché sous des cailloux, mon ravito pour la nuit. Sauf qu'en course, j'ai été incapable de le retrouver. A-t-il été découvert ? Ai-je cherché à un mauvais endroit ? Pris de stress, je ne me suis pas attardé, si bien qu'en arrivant aux Contamines, j'ai fait main basse sur les mini-sneakers et les mini-mars pour ne pas me retrouver en hypoglycémie au milieu de la nuit. Ces bombes à sucres rapides n'étaient pas l'idéal mais cela à quand même fait l'affaire !
Des Contamines (31 km) à Courmayeur (80 km) : tout en gestion
Tout le monde le dit, la course commence à partir de Courmayeur, et aller trop vite avant, c'est la quasi-certitude de vivre des moments durs sur la 2ème partie de course. Comme mentionné précédemment, j'avais imprimé tous mes temps de passage et aux Chapieux, après 7h de course, j'étais à la minute près dans mes temps de passage, et à Courmayeur, j'avais "seulement" 16 minutes d'avance sur mon plan de marche. Surtout, j'avais l'impression de ne pas forcer et d'être beaucoup plus "frais" qu'en 2021.
De Courmayeur (80 km) à Champex (126 km) : jusqu'ici tout va bien
Cette section comporte de nombreuses parties roulantes où j'ai réussi à courir, et sans forcer je me suis constitué un petit pécule qui ira jusqu'à près de 1h d'avance.
Au terme de cette 2ème participation, je réalise que l'UTMB est vraiment une épreuve hybride. Il faut de la puissance pour les montées et les descentes, mais il faut aussi des qualités de coureur pour avancer à bon rythme sur les parties roulantes. Me concernant, j'ai toujours manqué de puissance, que cela soit en vélo ou en course à pied, et sur cet UTMB, je me suis souvent fait doubler en montée, mais par contre, sur le plat, j'en ai aligné plus d'un ;-)
Dans les quelques péripéties de course, mon assistance est arrivée trop tard à Champex, ayant perdu du temps à trouver le départ de la navette dans Orsières (accès à Champex fermé pour les voitures). Franchement, cela n'a pas été préjudiciable pour la suite.
De Champex (126 km) à Vallorcine (153 km) : il faut maintenir l'avance
Je sais que la dernière partie à compter de tête-aux-vents m'est particulièrement défavorable, et qu'il me faut absolument conserver de l'avance sur mon tableau de marche. En conséquence, je scrute systématiquement mes temps de passage, et j'arrive presque à conserver mon heure d'avance, alors que je commence à être mis en difficulté, ce qui parait normal après 130 km de course.
Parallèlement, les problèmes gastriques débutent, avec du dégoût pour la nourriture solide et ayant l'impression que mon corps ne l'assimile plus.
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Vue sur Trient (au milieu) et le col de la Forclaz (à droite)
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De Vallorcine (153 km) à Chamonix (171 km) : à moi le sub-30h
A la sortie de Vallorcine, j'ai la conviction que sauf défaillance ou blessure, je devrais largement passer sous les 30h. Toutefois, cette section m'est particulièrement défavorable, trop raide, trop technique, surtout qu'avec la fatigue et la nuit, je perds de la lucidité dans ma lecture du terrain.
Comme à chaque fois à cet endroit (CCC 2016, UTMB 2021, UTMB 2022), je me fais doubler. Au passage, je ne vois aucun plaisir dans cette section, et même plutôt du danger, avec un terrain où il est impossible de courir mais où il est par contre très très facile de se tordre une cheville. Pourquoi ne pas emprunter le même parcours qu'au marathon du Mont-Blanc, qui mène également à la Flègère ?
Pour situer mon temps de cette année sur cette section, je l'ai comparé à ceux précédents :
- 4:04 à la CCC 2016 (gros coup de bambou dans la montée de Tête aux vents)
- 5:50 à l'UTMB 2021 (obligé d'aller très lentement à cause d'ampoules)
- 3:43 à l'UTMB 2022
Néanmoins, mon chrono de 2022 est lent. A titre de comparaison, un coureur qui était avec moi à Vallorcine à l'UTMB 2022 a mis 3:04 sur cette section, soit 39 minutes de moins que moi ...
Après des arrivées à deux heures du matin ou plus sur la CCC, la TDS et l'UTMB, je termine enfin pas trop tard (un peu après 11h du soir) et c'est clairement beaucoup plus sympa, avec encore de l'ambiance dans les rues de Chamonix.
Quelques éléments d'analyse
Le graphique ci-dessous montre mes écarts de temps par rapport à mon plan de marche pour terminer en 30 heures. On voit bien le départ conforme au plan, la constitution d'un matelas de sécurité en début de 2ème partie de parcours, puis le ralentissement sur la fin.
Sinon, pas de chance pour moi, je claque mon chrono l'année où la densité des coureurs sur le haut du classement est la plus forte de ces dernières éditions. Par exemple, Ugo Ferrari met 1 heure de moins qu'en 2021 (23:38 vs 24:35), et pourtant termine moins bien classé (26ème vs 18ème). Il y a eu moins d'abandons cette année chez les élites, peut-être notamment de part les conditions météos très favorables. Tout cela n'a pas fait mes affaires, car avec le même chrono et fonction des années, j'aurais pu terminer dans le top 100, comme le montre le graphique ci-dessous.
Années non reprises dans le graphique : course annulée en 2010 ; parcours raccourci en 2012 ; parcours modifié en 2017 ; parcours modifié en 2018 ; course annulée en 2020
Deux anecdotes
Hoka est là !
Hoka est devenu le sponsor titre de l'épreuve, et c'était quasi-impossible de ne pas s'en rendre compte. D'une part, leur boutique à l'entrée du village des exposants était juste énorme, et d'autre part, ils ont installé une animation lumineuse juste avant Notre-Dame-de-la-Gorge, où les coureurs devaient passer dans des cerceaux lumineux. C'était amusant.
Quasiment toute l'épreuve avec un même coureur
Du col de la Seigne jusqu'au pied de Tête-aux-Vents, j'ai fait la course avec un même coureur, sauf que nous n'avions pas exactement les mêmes qualités. Il me mettait la misère en montée et en descente, et j'arrivais à recoller sur les parties plates et en étant plus rapide aux ravitos. Il a déménagé de la Bretagne pour Chambéry et m'a indiqué que les activités comme le ski de randonnée l'avaient clairement aidé à passer en cap en trail. Je sais ce qu'il me reste à faire 😊.
What's next ?
Pour moi, et en toute modestie, il s'agit d'un aboutissement, et je n'ai pas l'intention de me tourner vers des épreuves du type Tor des Géants ou la Petite Trotte à Léon. Pourquoi pas refaire un UTMB, car je sais désormais que je peux y prendre du plaisir, mais ce ne sera pas à court terme, n'ayant pas de running stones. Cela pourrait être également un 100 miles plus roulant, comme les Américains savent le faire. J'ai une attirance pour Leadville mais mon coach m'a chauffé pour la Western State, me disant que j'étais chanceux au tirage au sort et qu'il avait un plan pour moi pour ne pas subir la chaleur. On verra ...
Sinon, dès lundi j'étais de retour au travail et il parait que j'avais la tête de quelqu'un de fatigué. Surprenant, non ?
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Tout de même un peu fatigué après cet UTMB .... |