L'USADA a mis en libre consultation l'ensemble des documents l'ayant conduit à sanctionner Armstrong, y compris les témoignages de ses anciens coéquipiers (http://cyclinginvestigation.usada.org/ => Appendices and Supporting Materials). Ces éléments sont accablants et permettent de mieux comprendre comment le Texan a pu passer entre les mailles du filet tout au long de sa carrière. Il m'a semblé intéressant d'en faire une synthèse ci-après, avec à chaque fois les références aux témoignages des coureurs.
Pour résumer, on peut dire que la "méthode Armstrong" reposait sur :
Règle n°1 : Organiser le dopage
En travaillant avec le Dr Ferrari, Armstrong avait très certainement choisi le meilleur conseil en matière de médecine de la performance. Mais au-delà de cette relation, c’est toute son équipe qui était organisée autour du dopage.
S’approvisionner en toute discrétion
Organiser la logistique
Inciter ses co-équipiers à se doper
Règle n°2 : Eviter les contrôles
Le meilleur moyen de ne pas être pris est de ne pas se faire contrôler…. c’est simple et efficace.
Ne pas ouvrir sa porte aux contrôleurs
Se cacher
Bullshiter ADAMS
Règle n°3 : Gérer les contrôles
Il n’est pas toujours possible d’éviter les contrôles, mais ce n’est pas pour autant que l’on va être pris par la patrouille …
Etre informé à l’avance des contrôles
Retarder les contrôles
Pour résumer, on peut dire que la "méthode Armstrong" reposait sur :
(i) Une approche organisée du dopage ;
(ii) Les faiblesses de la lutte anti-dopage ;
(iii) Des relations haut placées à l’UCI ;
Par contre, le Texan n’a jamais disposé de la pilule miracle. Tous les produits ou techniques utilisés étaient semblables à ceux de ses concurrents, c'est-à-dire EPO, corticoïde, testostérone, hormone de croissance, et autotransfusion.
Règle n°1 : Organiser le dopage
En travaillant avec le Dr Ferrari, Armstrong avait très certainement choisi le meilleur conseil en matière de médecine de la performance. Mais au-delà de cette relation, c’est toute son équipe qui était organisée autour du dopage.
S’approvisionner en toute discrétion
Pour ne laisser aucune trace comptable ou bancaire, les achats de dopants s’effectuaient exclusivement en cash, issus de la revente sur Internet des vélos offerts par le sponsor (Affidavit F. Landis §44).
Organiser la logistique
Suite à l’affaire Festina, il était trop risqué lors du Tour de France 1999 de conserver des produits interdits dans le bus de l’équipe. Ainsi, une logistique spécifique avait été mise en place : un motard (alias « Motoman ») suivait parallèlement la course et fournissait l’EPO tout au long de l’épreuve (Affidavit T. Hamilton §51).
Inciter ses co-équipiers à se doper
Probablement pour être certain que son équipe soit la meilleure, Armstrong incitait ses co-équipiers à se doper sous peine de ne pas être retenu pour le Tour de France (Affidavit C. Vande Velde §129).
A l’inverse, ne pas laisser ses coéquipiers se doper tout seul. Leipheimer raconte le mécontentement de l’encadrement de l’équipe lorsqu’il leur a fait part de sa consommation d’EPO. Il réalisera par la suite qu’ils étaient surtout soucieux qu’il applique les quelques règles pour ne pas être pris positif (Affidavit L. Leipheimer §38)
Règle n°2 : Eviter les contrôles
Le meilleur moyen de ne pas être pris est de ne pas se faire contrôler…. c’est simple et efficace.
Ne pas ouvrir sa porte aux contrôleurs
Avant l’arrivée d’ADAMS, un coureur pouvait manquer trois contrôles inopinés sans être sanctionné. C’est ainsi qu’Hamilton explique avoir reçu pour consigne de ne jamais ouvrir sa porte aux contrôleurs (Affidavit T. Hamilton §87).
Se cacher
Toujours avant l’arrivée d’ADAMS, Armstrong se rendait à l’hôtel Fontanals à Puigcerdà en Espagne pour se doper, car il était quasi-certain de ne pas se faire contrôler dans ce lieu (Affidavit T. Danielson §106).
Bullshiter ADAMS
Depuis l’arrivée d’ADAMS en 2008, les coureurs doivent communiquer là où ils se trouvent 365 jours par an, ce qui n’empêche pas Armstrong de fournir des informations erronées, comme le prouveront la comparaison entre les informations transmises à l’USADA et le planning communiqué au Dr Ferrari (Reasoned Decision, renvoi n°763)
Règle n°3 : Gérer les contrôles
Il n’est pas toujours possible d’éviter les contrôles, mais ce n’est pas pour autant que l’on va être pris par la patrouille …
Etre informé à l’avance des contrôles
Vaughters avait l’impression que l’encadrement de l’équipe connaissait une heure à l’avance les contrôles. Avertis, les coureurs prenaient alors leur disposition, par exemple en s’injectant une solution saline pour réduire leur taux d’hématocrite (Affidavit J. Vaughters §76).
Retarder les contrôles
Le rapport de contrôle anti-dopage du Dr Grondin est consternant : alors qu’Armstrong revient d’un entrainement, ce médecin l’attend à l’entrée de sa villa à St Jean Cap Ferrat et lui indique qu’il doit faire l’objet d’un prélèvement sur le champ. Armstrong prétexte qu’il y a d’autres personnes à l’intérieur de sa villa, qu’il doit passer un coup de téléphone, et s’absente vingt minutes, laissant seul le médecin préleveur devant le portail.
Justifier d’une (fausse) exemption thérapeutique
Règle n°4 : Exploiter les faiblesses des contrôles
Armstrong a subi de nombreux contrôles qui se sont toujours révélés négatifs (hors exceptions citées par ailleurs), car il en connaissait les limites et savait les exploiter.
Connaitre le fonctionnement des tests pour mieux les manipuler
Réduire la fenêtre de détection
Masquer les pratiques proscrites
Recourir au micro-dosage
Règle n°5 : Utiliser ses relations haut-placées à l’UCI
Les éléments mis à disposition par l’USADA ne disent pas comment la relation entre Verbruggen et Armstrong est née, mais il est évident qu’Armstrong a su s’en servir à différents moments de sa carrière.
Dénoncer les tricheurs plus forts que soi
Durant le Tour 1999, Armstrong se fait contrôler positif aux corticoïdes suite à une injection de Kenacort lors de la Route du Sud (Affidavit J. Vaughters §83). Mais pas de problème, le médecin de l’équipe fournira une ordonnance antidatée pour soi-disant soigner une irritation à la selle avec une crème contenant des corticoïdes (Affidavit E. O-Reilly §109)
Règle n°4 : Exploiter les faiblesses des contrôles
Armstrong a subi de nombreux contrôles qui se sont toujours révélés négatifs (hors exceptions citées par ailleurs), car il en connaissait les limites et savait les exploiter.
Connaitre le fonctionnement des tests pour mieux les manipuler
Vaughters explique qu'Armstrong savait comment le test EPO fonctionnait (Affidavit J. Vaughters §94). Ce test établit un ratio entre l’EPO situé dans la zone acide (EPO naturellement produite par le corps) et celle présente dans la zone basique (provenant d’une prise d’EPO synthétique). En conséquence, le Dr Ferrari conseillait aux coureurs de stimuler la production d’EPO naturelle soit en allant s’entrainer en altitude soit en utilisant une tente d’altitude (Affidavit T. Hamilton §84), rééquilibrant ainsi le ratio entre EPO endogène et exogène.
Un autre exemple montre qu’Armstrong connaissait très bien les contrôles. Vaughters discute avec lui en 2001 d’un nouvel EPO, l’Aranesp, mais Armstrong lui déconseille car trop facilement détectable, comme le prouveront quelques mois plus tard les différents cas positifs de skieurs de fond lors des Jeux Olympiques d’hiver 2002 (Affidavit J. Vaughters §96 - Pour l’anecdote, l’Aranesp est produite par le laboratoire Amgen, sponsor du Tour de Californie).
Réduire la fenêtre de détection
Le but du jeu était de réduire la fenêtre de détection de l’EPO à quelques heures, le temps qu’une nuit se passe et éviter ainsi tout contrôle. Danielson et Vande Velde expliquent ainsi qu’ils avaient reçu pour consigne d’une part de s’injecter l’EPO le soir en intraveineuse (disparition du corps plus rapide qu’en injection sous-cutanée) et d’autre part de se débrouiller pour uriner avant la remise d’un échantillon (Affidavits de C. Vande Velde et T. Danielson, respectivement §80 et §52).
Masquer les pratiques proscrites
Une autotransfusion n’est pas directement détectable, mais elle laisse des traces comme la diminution du nombre de jeunes globules rouges (les réticulocytes). Tom Danielson explique qu’il prenait des micro-doses d’EPO qui augmentaient sa production de réticulocytes et masquait ainsi l’autotransfusion (Affidavit T. Danielson §116). Bien sûr, ces micro-doses d’EPO n’étaient pas assez importantes pour être détectables.
Recourir au micro-dosage
La plupart des dopants devaient être pris en petites doses pour éviter toute détection. Hamilton cite en particulier la testostérone qu’il devait s’administrer sous-forme de patch comme le recommandait Dr Ferrari (Affidavit T. Hamilton §86).
Règle n°5 : Utiliser ses relations haut-placées à l’UCI
Les éléments mis à disposition par l’USADA ne disent pas comment la relation entre Verbruggen et Armstrong est née, mais il est évident qu’Armstrong a su s’en servir à différents moments de sa carrière.
Dénoncer les tricheurs plus forts que soi
Lors du contre la montre du Dauphiné 2004 au Ventoux, Armstrong se fait dominer par Mayo et son ex-coéquipier Hamilton. Landis rapportera plus tard à Hamilton qu’Armstrong était très énervé de s’être fait dominer de la sorte un mois avant le tour de France, et qu’il s’en était plaint auprès de l’UCI (« You have got to get these guys, Hamilton and Mayo are not normal »). Peu de temps après cela, Hamilton recevra un courrier de l’UCI lui expliquant que ses paramètres sanguins présentent des anomalies et qu’il va faire l’objet d’une attention particulière (Affidavit T. Hamilton §103) !
S’arranger via un accord financier
Sinon, et juste pour le plaisir, deux anecdotes :
Landis relate qu’en 2001 Armstrong ne suit pas les recommandations du Dr Ferrari de ne plus s’injecter l’EPO en sous-cutanée, si bien qu’il est contrôlé positif au Tour de Suisse. Mais pas de problème nous explique Landis, Armstrong et Bruyneel trouveront un accord financier avec le président de l’UCI (Affidavit F. Landis §17).
Sinon, et juste pour le plaisir, deux anecdotes :
- Dans les éléments mis à disposition par l’USADA se trouvent également des rapports de synthèse sur les autres grandes affaires récentes de dopage, à savoir l’opération Puerto et la clinique de Fribourg. Dans le rapport de la clinique de Fribourg, on y apprend que Bjarne Riis prenait le double des doses « normales » d’EPO et d’hormone de croissance, ce qui portera son taux d’hématocrite jusqu’à 64% (Freiburg report, page 19) ! Le titre de « Monsieur 60% » n’était donc pas usurpé.
- De retour d’Europe, George Hincapie se fait contrôler en 1996 à la douane américaine avec des doses d’EPO sur lui. Il explique qu’il s’agit de médicaments et passe la douane sans encombre (Affidavit G. Hincapie §35).