dimanche 28 octobre 2012

Racing through the dark, the fall and rise of David Millar

En cette période de grand ménage (Armstrong déchu de ses 7 titres, Leipheimer remercié de chez Omega Pharma, Julich et Yates qui quittent Sky), le livre de David Millar « Racing through the dark » est très éloquent sur la culture du dopage de ces années de plomb du vélo.

Ce livre c’est l’histoire d’un coureur, David Millar, qui se retrouve confronté au dopage. Inflexible à ses débuts, il cède, puis se retrouve pris dans l’affaire Cofidis. Suspendu 2 ans, il effectue son come-back en 2006 tout en voulant se racheter de ses erreurs.

La première raison pour laquelle j’ai aimé ce livre est liée au questionnement qu’il induit chez le lecteur : à sa place, qu’aurais-je fait ? Millar était au début de sa carrière un coureur prometteur (victoire notamment au prologue du Tour de France 2000 devant Armstrong) mais qui refusait toute forme de dopage. Ce choix tout à son honneur le conduit à être totalement à la ramasse la première année (il ne termine pas la plupart des courses à étapes auxquelles il participe) et au mieux à une reconnaissance d’estime de ses pairs (« Putain, vous êtes premiers des propres ») mais pas à lutter à armes égales avec les autres coureurs. Finalement, Millar craquera un jour d’abandon sur le Tour de France 2001, où l’encadrement de son équipe su tirer profit de son état de faiblesse en lui proposant de se « préparer » pour la Vuelta.

Ce qui est également intéressant dans ce livre, c’est de décrire concrètement des pratiques dopantes. C’est ainsi que l’on découvre que son équipe propose de la cortisone à l’un de ses coureurs, c’est également un coéquipier qui tient des propos incohérents sous les effets d’une prise d’amphétamine, c’est aussi le va et vient des morceaux de glace dans les chambres d’hôtel pour assurer la conservation de l’EPO. Pour sa part, Millar n’hésite pas à rentrer dans les détails de son dopage, en racontant comment un de ses coéquipiers (a priori, Massimiliano Lelli) va l’initier à l’EPO, puis comment il va s’en fournir auprès du médecin de l’équipe Euskatel.

Ce qui m’a également plu, c’est l’attitude de Millar. Contrairement à beaucoup de dopés qui nient tout en bloc, il ne supportait plus d’avoir à mentir, et il n’a pas cherché à cacher la vérité mais bien au contraire, il s’en est servi pour aider son sport. Ah, si tous les ex-dopés pouvaient avoir le même comportement que lui…

Sur le fonds, la réponse de Millar au dopage renvoie principalement à l’attitude de l’encadrement de l’équipe, qui face au dopage ne doit jamais être équivoque. Pour schématiser, il oppose d’un coté des équipes comme Cofidis ou Saunier-Duval qui ne se positionnent pas clairement contre le dopage et qui ont connu différents déboires (affaire Cofidis, Ricardo Ricco, ….) et de l’autres celles comme Garmin ou Sky, cette dernière refusant par exemple d’embaucher toute personne mêlée de près ou de loin à des affaires de dopage (ce qui a d’ailleurs conduit son directeur, Dave Brailsford à ne pas pouvoir recruter Millar). 

Par ailleurs et comme c’est l’usage dans ce genre de livre, il y a quelques anecdotes croustillantes – j’en donne deux :

Le prologue du centenaire
Millar est très en forme pour le prologue du centenaire du tour de France (2003) et vise la victoire. Ses mécanos ont une idée pour réduire le poids de son vélo : supprimer le dérailleur avant. Sauf qu’un dérailleur avant, ça ne sert pas qu’à changer de plateau … cela permet aussi d’éviter de dérailler en cas de saut de chaine. Alors qu’il était en tête du prologue, ce qui était prévisible arriva … saut de chaine, déraillement, arrêts de plusieurs secondes et finalement une 2ème place à 2/10ème de seconde du vainqueur.

Les effets secondaires du Stilnox
Certains de ses équipiers chez Cofidis n’étaient pas que des dopés, ils étaient également des toxicos qui n’hésitaient pas à mélanger somnifère et alcool. Ce mélange a pour principal effet de faire perdre toute raison. Millar s’en est rendu compte lors d’une soirée où pour repartir, au lieu de prendre l’escalier, il décida de passer par la fenêtre …. et se cassa le talon.

Deux critiques sur le livre :
  • La première partie sur l’enfance de David Millar est sans grand intérêt. Il était nécessaire de connaitre ses origines, mais en plus court aurait été tout aussi efficace.  
  • Millar est très clément avec Armstrong (« I can’t say definitely if Lance doped or not ») : soit il est naïf, soit il ne voulait pas s’attirer les foudres de « The Boss » . La deuxième hypothèse est la plus probable surtout quand on connait la proximité de Millar avec d’anciens équipiers du Texan (Julich, Vaughters, …). Pas certain qu’il écrirait la même chose aujourd’hui. 
 NB : le livre n’a pas été à ce jour traduit en français, il n’est disponible qu’en anglais